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ActeuràVie, des ressources encore inexploitées

Jean-Luc Schaff,

A la recherche de points communs d'intérêts

Nous avions publié début 2015 le cas de M et Mme Durant dans le Guide de l'utilisateur d'ActeuràVie. Voici la suite de leur parcours.

M et Mme Durant sont très âgés (voir page 65 du Guide de l'utilisateur) et vivent maintenant à l'Ehpad de la ville qu'ils habitent depuis 60 ans. ActeuràVie leur aura permi à ce qu'ils ne soient jamais séparés depuis l'hospitalisation de Madame en décembre 2015. Il aura suffi de communiquer aux équipes soignantes (service de Médecine, puis SSR et finalement avec le dossier d'inscription en Ehpad) les points clés de leur suivi à domicile inscrits par la famille dans ActeuràVie : les résumés des 3 journaux, les objectifs fixés et les actions menées, ainsi que le déroulement de leur journée lorsqu'ils habitaient chez eux. Est apparu à tous le besoin vital pour eux de rester ensemble, chacun étant pour l'autre un point de repère indissociable.

Ils vivent donc depuis quelques mois en Ehpad : comment retrouver en ce nouveau lieu un sens à leur vie ? Les visites se succèdent, éprouvantes. Si leur passé peut renseigner l'entourage professionnel sur leurs goûts et habitudes pour organiser les aides les mieux adaptées possibles, il ne fixe pas pour autant le sens de leur vie présente ponctuée de manques en toute sorte. L'un de leurs fils nous avait confié : "Notre père vit comme dans le brouillard : il ne parvient plus à mener sa vie comme il le voudrait, il ne sait plus, il n'a plus de repères. Lorsqu'on navigue dans le brouillard, le skipper connait des points de repères adaptés. Lorsqu'on ne sait pas, l'adaptation est difficile, voire impossible."

Et puis est apparu cette semaine comme un fil de soie à tirer, fin et fragile. Voici ce que m'a confié un autre fils de ce couple : "Au début de leur nouvelle vie en Ehpad, nous n'avons rien noté dans ActeuràVie tant leur situation nous semblait fragile et précaire. La priorité pour nous était leur adaptation : les soutenir avec les professionnels dans l'élaboration de nouveaux points de repères. A leur grande joie, nous leur tenons régulièrement compagnie mais nous repartons souvent dans le doute, réévaluant sans cesse leur situation. Nous savions que des amis à eux leur rendaient visite ce qui a conforté leur choix de rester dans leur ville. Au fil de mes visites, j'ai pris du plaisir à leur lire à haute voix des extraits d'un livre qui me plaisait, à leur dire mon émerveillement sur telle ou telle tournure littéraire. Je leur parlais ainsi de moi et ils paraissaient intéressés. C'est là que je me suis rappelé qu'ils aimaient la littérature il y a 20 ans ! Je leur ai proposé de leur lire quelque chose d'un auteur qu'ils appréciaient. J'ai proposé des noms et je suis revenu avec une dizaine de livres de chez eux. Et me voici découvrant Jean Giono sélectionné sans hésitation par mon père. C'était, aux dires de ma mère, l'un de ses préférés. J'ai commencé à peine cette lecture que déjà le sourire de mon père exprima son contentement tout comme la prestance de ma mère. Je ne sais pas si mon père comprend encore la mécanique littéraire mais je suis sûr qu'il la ressent. Bon, c'est vrai que j'ai quelques talents de conteur... ça aide. Mais je crois surtout que ce qui compte là, c'est le plaisir partagé, c'est le fait d'avoir trouvé un terrain d'entente au-delà des mots. Alors naturellement j'ai noté tout cela dans ActeuràVie, leurs auteurs perdus mais aussi notre vécu présent. Si ça fonctionne, ce sera nos rendez-vous littéraires que nous pourrons transmettre au moyen d'ActeuràVie... Nous verrons bien..."

Et je me demande : qui d'autres que les proches de la personne pourraient-ils entreprendre tout ce travail de rabibochage et en rendre compte ? Personne !

L'un des points forts d'ActeuràVie est de permettre aux familles et aux proches de la personne d'être parties prenantes dans le dispositif d'accompagnement.